Bougre, Academique, Clochette, Excessive.

Il avait du charme, le bougre.
Du charme, et un magnetisme irresistible; une facon de vous attirer dans son monde, l'air de rien, et ne plus vous laisser partir. C'est d'ailleurs fascinant de voir a quel point il pouvait hypnotiser les foules: pas des millions, ni des milliers, mais quelques centaines de gosses emerveilles par son talent, bouche bees devant l'ampleur de sa perfection bancale - un univers de reves brumeux, et fantasmes derangeants, hante par une douce melancolie qui ne vous quittait plus. L'admiration etait religieuse; l'obsession presque inevitable. Et forcement, j'etais l'un d'eux - bercee par Wind In The Wires et poursuivie par Lycanthropy, mon adolesence aurait eu bien peu de sens sans Patrick Wolf. Non que je sois la seule - plus  le temps passe, et plus les anecdotes se multiplient. De l'academique d'extreme gauche au dandy gentiement branche, je ne cesse de rencontrer des gens qui, comme moi, ont consacre quelques annes de leur jeunesse a se noyer dans la musique du jeune anglais.
Dans un sens, c'est pour eux que j'ecris cet article; l'epitaphe d'une vieille passion commune. En avant, maestro.



En 2011, Patrick Wolf sort son quatrieme album, et nous fait gentiment savoir qu'il est vraiment heureux, que son couple va bien, son appartement est genial, et c'est quand meme sympathique de ne plus etre pauvre. J'aimerais chroniquer Lupercalia, mais c'est etonnament dur d'ecrire un papier lorsqu'on ne peut se sortir les doigts des oreilles, de peur d'entendre une seconde de plus de ce qui s'avere etre un affront pur et simple a la musique de qualite. Je le vois en concert quelques mois plus tard, et il ressemble a un croisement entre Peter Pan et la fee Clochette, dix ans d'un alcoolisme feroce plus tard. J'abandonne. Decembre arrive, et un nouvel EP apparait: Brumalia a une pochette en noir et blanc, simpliste et depouillee - je reprend espoir, et me promet d'essayer. Je pourrais vous laisser deviner la suite, mais mon amour sans borne pour la plainte superflue m'en empecherait. C'est donc avec plaisir que je m'apprete a sortir la hache et la scie sauteuse - vous voila prevenus.

Les vingt et unes premieres secondes de Bitten sont traitres, puisqu'appreciables - un ensemble de cordes dignes des premiers albums, miserablement gachees a 0:22 par une voix feminie susurrant je-ne-sais-quoi en espagnol. Et ce n'est que le debut: les paroles sont insipides, le refrain irritant, et la melodie epuise tres rapidement. Gardez cette phrase en tete puisqu'elle decrit plutot bien toutes les autres chansons aussi. Mention speciale, cela dit, au rythme mauvais gout de Together, au pseudo Magic Position qu'est Time Of The Year, a la pesanteur forcee de Jerusalem et a l'intrumental plus que douteux de Nemoralia. Pour ce qui est des deux dernieres, allez donc decouvrir par vous meme - je suis a court d'adjectifs pejoratifs. Et de toute facon, vous avez probablement deja saisi l'idee de la chose. L'ami Patrick a une vie formidable et a tres envie d'en parler a tout le monde: on applaudit la reuissite personelle, puis on se rebouche bien vite les oreilles.

Quoi? Pardon? "Mais c'est n'importe quoi ta chronique, le Wolf a bien le droit d'etre content et de faire de la pop creuse s'il en a envie, de quoi tu te meles?" ecoute, mon renard - premierement, je ne t'ai jamais donne l'autorisation de me tutoyer, et deuxiemement, je sens que tu n'as pas bien lu mon papier, si tu reagis comme ca. Tu penses que c'etait gratuit et hors contexte, cette introduction grandiloquente sur les obsessions de mon adolescence? Comment ca, "oui, comme la moitie des articles sur ce site"? Au coin, tout de suite. Imbecile. Ce n'etait pas completement inutile, ou improvise - ce que j'essayais d'expliquer etait que mon attachement au jeune homme etait trop fort pour que je puisse etre ne serait-ce qu'un tant soit peu objective. J'en suis incapable. Cette chronique n'est que l'avis de quelqu'un qui a passe des douzaines d'heures a ecouter ses premiers albums en boucle, en se demandant si, vraiment, c'etait normal de toujours faire du 85A en seconde.  Quelqu'un qui aurait prefere que les chansons soient tristes et tordues, comme avant. Et surtout, quelqu'un qui jamais, jamais ne cautionnera l'utilisation excessive du saxophone en 2011. Nom de Dieu.