Charlie Fink de Noah and the Whale est de son propre aveu un jeune homme peu doué pour la communication verbale avec les autres êtres humains, mais sa timidité et ses nombreuses tentatives pour esquiver nos questions ne nous ont pas arrêtés, vous nous connaissez.
MDMAZING : Vous êtes rentrés en studio au début de l’année pour enregistrer des démos de votre prochain album, ce qui est assez inhabituel sachant que vous êtes en plein milieu de la tournée de votre deuxième album. C’est comme ça que vous avez l’habitude de travailler ?
Charlie : Je suppose que oui c’est notre façon de faire, c’est le troisième album en trois ans. On a environ neuf chansons écrites pour le prochain album. On va essayer de l’enregistrer en août, avec une date de sortie prévue en début d’année prochaine. Mais je ne sais pas, ça ne me parait pas inhabituel. J’imagine qu’il y a beaucoup de groupes qui prennent plus de temps que ça, mais pour moi le plus grand plaisir que je retire à faire de la musique c’est quand j’écris et j’enregistre. C’est la principale raison pour laquelle j’ai envie de faire ce que je fais. Pour moi faire des concerts est difficile, alors la moindre excuse pour être en studio…
MDMAZING : Tu ne trouves pas ça dur en tournée de s’arrêter et trouver le temps d’écrire ?
Charlie : Si c’est dur, mais je suis bien plus heureux quand j’écris, j’apprécie les choses beaucoup plus. L’écriture est une chose tellement importante pour moi que quand j’écris j’ai plus d’énergie, j’ai plus envie de jouer.
MDMAZING : Ton frère (et ancien batteur du groupe) ne vient plus en tournée mais enregistre toujours avec vous ; est-ce une situation un peu compliquée à gérer sachant que vous avez un nouveau batteur pour les concerts ?
Charlie : Je ne sais pas… C’est un processus très différent, faire des concerts et jouer sur un album. Je suppose qu’en tournée il y a comme un script, une idée de ce que tu es censé faire. Je pense que cela va bien se passer. (sourit)
MDMAZING : Vous faites un documentaire autour du deuxième album, de quoi parle-t-il plus précisément et qu’est-ce que vous pensez en faire ?
Charlie : Il est fini, il est en train d’être monté en ce moment. Le réalisateur, Ben Adler, nous a filmés du premier jour en studio jusqu’au jour de sortie de l’album. Donc la réalisation de l’album, les tournées, la réalisation du film qui va avec l’album. Mais plus que tout, je pense que c’est l’histoire de quatre mecs dans un groupe – enfin on est cinq dans le groupe maintenant mais à l’époque on était quatre – notre amitié et tout ça. Je sais pas, je pense que c’est un film vraiment sympa. C’est difficile à dire parce que bon, je suis dedans, mais je pense qu’il a fait un très bon travail. On va sûrement l’emmener à quelques festivals du film, ou lui va le faire. J’imagine que bien sûr il finira par sortir en DVD ou quelque chose dans le genre. C’est comme un long-métrage, il dure à peu près 80 minutes, donc ça serait cool de le sortir d’une façon ou d’une autre.
MDMAZING : Faire le film The First Days of Spring était apparemment devenu une sorte d’obsession pour toi et t’a rendu vraiment nerveux, c’est différent de l’enregistrement d’un album ?
Charlie : Ouais. Je sais pas trop, c’est un processus très différent. Ce que je préfère dans la réalisation de films – et je vais en faire plus, je travaille sur un nouveau en ce moment – ce que je trouve être un luxe, c’est le processus. Avec un film tu as l’impression qu’il y a un point final, chose que j’aime. Tu vois, le film est fait et il sort, c’est fini. Alors qu’avec une chanson, tu l’écris, tu l’enregistres mais ce n’est pas fini, il faut que tu ailles la jouer, l’amener partout dans le monde. J’aime le fait qu’il y ait une finalité quand on fait un film. Je veux clairement faire d’autres films, indépendamment de la musique.
MDMAZING : Donc à part faire de la musique, tu fais des films, tu prends des photos, tu as produit un album… As-tu songé à consacrer plus de temps à ces activités ?
Charlie : J’y ai beaucoup réfléchi ces derniers temps justement. Oui j’aimerais bien. C’est ça qui est difficile, ce qui fait que je suis toujours occupé, je veux faire tellement de choses différentes. Mais tu sais, je suis l’homme le plus heureux au monde, j’ai la chance de pouvoir faire tout ça. Il y a plein de gens qui voudraient avoir toutes ces opportunités et qui n’ont pas cette chance, alors je suis très reconnaissant. Mais j’espère pouvoir faire encore plus.
MDMAZING : Tu avais un thème assez fort sur le deuxième album, est-ce que c’est difficile maintenant que tu travailles sur le suivant de passer à autre chose et d’écrire sur d’autres sujets ?
Charlie : Je n’en peux plus d’attendre de passer à autre chose. Comme je le disais, quand tu fais un album c’est un processus tellement long, tu l’écris et puis tu l’enregistres et puis ça sort et tu l’emmènes en tournée. Les chansons que je joue en concert en ce moment, que certaines personnes entendent pour la première fois, je les ai écrites il y a genre deux ans, mais ça reste le nouvel album. J’ai hâte d’avoir de nouvelles chansons et d’être libre de ne plus écrire sur ce thème. Tu sais, j’adore cet album, j’aime tout ce qui a été fait, mais parfois c’est excitant d’être libéré, d’avancer. J’ai vraiment hâte de jouer de nouvelles chansons. Elles sont assez différentes, mais ce sont de bonnes chansons. Enfin j’espère. (rires)
MDMAZING : Dans un quotidien anglais, dans la chronique du dernier album de Eels qui parle de son divorce, le journaliste disait : « Le touchant The First Days of Spring de Noah and the Whale était le meilleur album de rupture de 2009 – mais il détaillait la fin d’un amour de jeunesse, et on soupçonnait que Charlie Fink ne se morfondrait pas bien longtemps. […] Mark ‘Eels’ Everett étant un homme de 46 ans plus très fringant, sa douleur est plus dure, plus profonde et semble moins récupérable que celle de Fink ». Que penses-tu de ça ?
Charlie : C’est très gentil. (rires) J’ai entendu parler de cet album. Je pense que c’est raisonnable de dire que la rupture a été plus facile pour moi. C’est ça l’idée, c’est de ça que parle The First Days of Spring, le premier amour, je pense que c’est une chose différente. Je veux dire que, enfin je suppose qu’entre moi et … (changement de sujet) J’ai lu son autobiographie à Mark Everett, il a eu une vie bien plus difficile que la mienne.
MDMAZING : « Tu sais dans un an je serai heureux » / « Je reviendrai vers toi dans un an et quelque et je reconstruirai » : un an plus tard, qu’est-ce que tu as choisi ?
Charlie : Et bien, je suis heureux maintenant, je crois. Hum bon, tu sais, c’est dur… (bafouille, visiblement un peu embarrassé) Avec cet album en particulier j’essaie toujours de ne pas en dire trop parce que… Evidemment c’est moi qui l’ai écrit mais c’est quelque chose que les autres personnes peuvent appliquer à leur propre vie. J’essaie toujours de distancer ma propre vie de… même si les gens semblent bien aimer ne pas la distancer, si tu vois ce que je veux dire.
MDMAZING : Justement, est-ce que la nuit dont parle Stranger a été suivie par le pire « walk of shame » de ta vie ? (nldr : retour chez soi un peu honteux après un coup d’un soir)
Charlie : (rires) Le pire walk of shame ?! Je sais pas je me rappelle pas. Hum ça ne serait pas à moi de le dire en fait… (maintenant très embarrassé) Je sais pas, je veux pas dire !
MDMAZING : Ce n’est pas un peu paradoxal quand même d’appeler la fille une inconnue alors que c’est la seule autre personne dont tu parles dans l’album à part toi et ton ex-copine ?
Charlie : Tu veux dire qu’elle est un peu comme un troisième personnage ? Hum c’est assez intéressant en fait, je n’y avais jamais songé. Intéressant.
MDMAZING : Juste pour info, tu as eu des nouvelles d’elle après la sortie de la chanson ?
Charlie : Ben ça c’est dans l’hypothèse où c’est une histoire vraie. J’ai peut-être inventé tout ça, tu ne sais pas. (rires)
MDMAZING : J’ai lu que votre maison de disques espérait un peu que vous fassiez un autre 5 Years Time dans le deuxième album, que pensent-ils de l’accueil de l’album ?
Charlie : Je crois que la chose principale que j’ai apprise en faisant de la musique, la seule chose que je pense être vraie, c’est que la seule personne qui puisse te donner confiance en toi c’est toi-même. Et la seule façon d’y arriver c’est en faisant quelque chose auquel tu crois sincèrement. Ce n’est pas forcément qu’à propos de la musique, ça peut être à propos de tout. Aucune source extérieure ne peut te faire croire que quelque chose est meilleur que ce que toi tu penses. Si tu fais quelque chose qui te rend complètement heureux, c’est bon, tu es comblé. Si tu fais quelque chose dont tu n’es pas fier, mais un million de personnes te dit que c’est génial, tu ne vas pas les croire. Pour moi il n’y avait pas d’autres options, je n’allais pas le faire d’une autre façon.
MDMAZING : Dans une vieille interview, tu disais que tu aimais toujours 5 Years Time malgré son succès, mais vous ne la jouez plus en concert…
Charlie : Si, on recommence à la faire maintenant, on la joue parfois. J’essaie de voir la vie d’une façon différente en ce moment, j’essaie d’être plus positif, et cette chanson m’a donné l’opportunité d’avoir une carrière et, j’espère, de continuer à faire de la musique. Je pense qu’on a toujours le choix avec les événements importants de notre vie, tu peux les considérer de façon positive ou négative, et cette chanson a fait que nous pouvons faire beaucoup plus. Et j’aime cette chanson tu sais. Elle a été écrite quand j’avais genre 19 ans… c’est une bonne chanson.
MDMAZING : Vous ne jouez plus beaucoup de chansons du premier album en concert, est-ce parce qu’elles ne s’intègrent pas bien aux nouvelles ?
Charlie : Oui la setlist comporte beaucoup de chansons du deuxième album, mais je sais pas, récemment je commence à me sentir plus à l’aise avec les chansons du premier album. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai l’impression que les gens comprennent mieux ce que je veux faire. J’ai ce nouvel état d’esprit, j’aimerais bien rendre les gens heureux. J’ai réalisé que je dois être, et je le suis, incroyablement reconnaissant envers nos fans, les gens qui achètent notre album et qui viennent à nos concerts, parce que sans eux je ne peux pas continuer. Alors quand les gens viennent à nos concerts je veux les rendre heureux, leur faire plaisir. J’ai toujours besoin de satisfaire mes propres aspirations artistiques, mais c’est bien de rendre les gens heureux.
MDMAZING : J’ai lu que tu voulais partir en voyage tout seul quand tu n’étais pas en tournée avec le groupe, tu as eu l’occasion de le faire ?
Charlie : Oui je pars justement en mai, je prends le Transsibérien, de Moscou à Pékin. Et ensuite j’ai quelques autres trucs… Je vais aller dans le nord pour écrire un peu, dans les Hébrides, des iles écossaises. Je vais essayer de faire autant que je peux, car voyager et être en tournée sont des choses très différentes.
MDMAZING : Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
Charlie : Je viens de commencer à écouter l’album New York de Lou Reed. Beaucoup de Tom Petty. J’ai aussi écouté l’album de Bill Callahan. Et Sleeping States. Tu connais cette chanson de R-Kelly, Ignition ? Je l’ai beaucoup écouté, c’est une chanson incroyable. Et Van Morrison aussi.
