Dingue, Cérémonie, Michel Gondry, Harnais.

Natasha Khan, aka Bat For Lashes, est belle, talentueuse, charismatique, charmante et amusante. Si j'étais un garçon, je serais fou amoureux d'elle, et même si ce n'est pas le cas, j'aurais pu l'écouter parler des jours entiers, tellement ce qu'elle dit semble toujours intéressant. J'aurais même pu l'observer réciter l'annuaire pendant plusieurs heures, sauf que bon, on lui a quand mêmeposé quelques questions, histoire de :


MDMAZING : Comment se passe la tournée pour ton deuxième album jusqu’ici, en ce qui concerne les nouvelles chansons et la nouvelle composition du groupe qui t’accompagne ?

Natasha : Ca se passe très bien. On a fait le Royaume-Uni, les États-Unis et maintenant l’Europe. Le nouveau groupe est vraiment cool, on a beaucoup de batteries, des beats hip-hop, plein de chansons plus « dansantes ». On a aussi des vieilles harpes et tous les instruments plus magiques qu’on avait sur la tournée du premier album. Je vois le concert comme un voyage, il y a quelques chansons de Fur and Gold et beaucoup de Two Suns.

MDMAZING : Comment as-tu approché les chansons du premier album pour qu’elles s’adaptent sur scène aux nouvelles chansons plus rythmées ?

Natasha : Je n’ai pas voulu trop changer les anciennes chansons, je les ai gardées comme elles sont sur l’album. Je pense qu’il est bon dans un concert d’avoir des moments calmes, avec une atmosphère très intime, et d’autres plus intenses, plus énergiques ; ça donne une bonne dynamique.

MDMAZING : La dernière fois que tu as joué à Nantes c’était en 2006, qu’est-ce qui a changé en trois ans ?

Natasha : Mon groupe a changé plusieurs fois, et en tant qu’interprète je pense que je me sens un peu plus sure de moi, ma voix est plus forte. Ma vie a été dingue les deux dernières années, j’ai voyagé partout, rencontré énormément de gens, développé mon univers musical. Je pense que j’ai beaucoup grandi et évolué. (rires)

MDMAZING : Si tu devais rejouer ici dans trois ans, quels changements voudrais-tu voir ?

Natasha : Je voudrais jouer avec un petit orchestre, ou plus de musiciens. Ça coûte cher d’avoir tout ça, mais dans ma tête je vois vraiment un grand et magnifique concert en extérieur, la nuit. Mais je pense que ça demande du temps et de l’argent. Quand on a fait la première partie de Radiohead, on a joué dans des salles incroyables, et évidemment je n’en suis pas encore là, mais peut-être dans trois ans.

MDMAZING : Toutes les critiques de ton album et tes interviews parlent de ta supposée double personnalité, Pearl et Natasha ; est-ce vraiment le cas ou une exagération des journalistes ?

Natasha : Je pense que c’est une exagération. Pourtant, à chaque fois qu’on m’interroge à propos de Pearl, je dis toujours que ce n’est pas mon alter-ego. Je pense que chacun a une personnalité avec beaucoup d’éléments et d’aspects variés. Quand j’étais à New York, je regardais beaucoup de films, de Roman Polanski ou David Lynch, et en même temps je voyais ces photographes prendre des photos de gens âgés un peu tarés, de travestis, de drag-queens. Ça m’a donné envie de créer un personnage un peu cinématographique pour l’album. Ce n’est qu’un petit aspect, un aspect très visuel que j’aime beaucoup, mais je ne parle pas en tant que Pearl, ce n’est pas aussi prétentieux. (rires)

MDMAZING : Two Suns parle principalement de ta relation avec ton ancien petit-ami, ce n’est pas trop dur de chanter à propos de ça tous les soirs ?

Natasha : Si, c’est difficile de chanter à propos de quelque chose aussi intime et personnel, mais j’ai l’impression que ça m’a aidé à surmonter la rupture. Au début c’était très dur, je me sentais vraiment triste, mais plus tu le fais et plus tu donnes au public et aux gens qui chantent avec toi. C’est comme si c’était devenu une sorte de partage de ces émotions avec le public. C’est devenu plus universel, les gens peuvent le comprendre aussi, donc en fait ça aide.

MDMAZING : Tu as dit dans une vieille interview que tu en avais un peu marre des gens te prenant pour une hippie buvant du sang de licorne au petit-déjeuner, est-ce que tu ressens toujours ça ?

Natasha : Je pense que plus je parle aux gens, plus ils viennent aux concerts et plus ils se rendent compte qu’il n’y a pas qu’un côté magique, mystique, il y aussi un côté qui est beaucoup plus humain, et même un peu drôle et stupide. Et les vidéos que je fais ont toujours un petit côté amusant. Je pense que parfois les gens ont peur que je sorte des ailes de derrière mon dos et que je devienne dingue, mais je suis vraiment une fille normale.

MDMAZING : Tu viens juste de jouer au Shepherds Bush Empire à Londres, et en ce moment tu joues dans des salles plus petites ; que préfères-tu ?

Natasha : J’aime bien les deux, car la salle du Shepherds Bush Empire est très grande, il y a des balcons, c’est magnifique. Quand tu montes sur scène, tu ressens le côté cérémonie, c’est grisant. Mais pendant les petits concerts tu vois vraiment les visages des gens, c’est très intime. Tu racontes tes histoires aux gens et ils te comprennent, c’est plus facile de projeter son énergie dans ces conditions-là, c’est moins éprouvant. Quand c’est un grand concert, tu dois faire beaucoup d’effort pour que le public ressente quelque chose.

MDMAZING : Tu as passé du temps avec des groupes de New York comme MGMT ou Yeasayer, est-ce que tu te sens plus proche de cette scène de Brooklyn que d’une en Angleterre ou à Brighton ?

Natasha : Oui je pense. Là-bas il y a des groupes comme TV on the Radio, des groupes géniaux, variés, excitants, alors qu’en Angleterre c’est plutôt des garçons avec des guitares, c’est un peu ennuyeux. Ça ne m’inspire pas. Quand j’étais à New York, j’étais vraiment heureuse parce que j’avais l’impression de faire partie de quelque chose. Il y avait le côté folk sur la côte Ouest, et le côté dance à New York ; j’étais entre les deux, c’était vraiment bien.

MDMAZING : Tu n’aimes aucun groupe de Brighton alors ?

Natasha : J’aime bien Blood Red Shoes, ce sont des amis et j’aime ce qu’ils font, mais je ne connais pas trop les Kooks, les Maccabees ou autre, je ne les ai pas vraiment écoutés. Je suis plus à Brighton pour me reposer, passer du temps dans mon appartement.

MDMAZING : Cette année on a vu l’émergence de beaucoup d’artistes solo féminines comme La Roux ou Little Boots, qu’en penses-tu ?

Natasha : Je pense que c’est bien qu’il y ait plus de musiciennes, mais j’espère qu’elles font toutes quelque chose qui vient de leur cœur et de leur âme, parce que parfois j’ai l’impression que c’est une mode, être une fille un peu folle. Malheureusement, la plupart du temps, quand j’écoute la musique, je n’ai pas l’impression que cela vient de leur cœur, ça sonne un peu superficiel. Je m’en fiche que ça vienne d’un garçon ou d’une fille, ce n’est pas ça l’important. Je cherche quelque chose d’un peu plus profond quand j’écoute, peu importe d’où ça vienne.

MDMAZING : Tu étais professeur à la maternelle avant, est-ce que tu serais prête à refaire ce métier si tu devais arrêter la musique ?

Natasha : Oui je pense, j’aimais vraiment ça, raconter des histoires aux petits. Ils étaient tellement mignons, ils posaient des questions, ils trouvaient tout excitant. Mais si je devais arrêter la musique, j’essaierais probablement de faire quelque chose en rapport avec le cinéma.

MDMAZING : Peaches était aussi professeur avant, tu crois qu’il y a un lien avec la musique ?

Natasha : Oui, quand j’étais à l’université j’ai fait ma thèse sur l’obsession des artistes avec l’enfance, et je regardais les œuvres de Michel Gondry ou d’autres artistes très intéressés par l’enfance. Je pense qu’il y a quelque chose dans l’enfance qui est très similaire à ce que font les musiciens et les artistes : la liberté d’expression, la spontanéité, ne pas s’inquiéter de ce que les autres pensent. Il y a beaucoup d’émotions similaires entre les enfants et les artistes.

MDMAZING : C’était quand la dernière fois que tu as dit « je ne referai plus jamais ça » ?

Natasha : Sûrement la semaine dernière, quand j’ai tourné la vidéo pour Pearl’s Dream, pendant vingt heures. Je portais un harnais, pour qu’ils puissent me faire voler, mais j’ai eu des bleus sur tout le corps après ça. Ils m’avaient attaché très serré, ça faisait vraiment mal. Je ne referai jamais ça, ça fait trop mal (rires). À chaque fois que tu fais une vidéo, ça dure pendant des heures, ce n’est vraiment pas glamour. Tout le monde pense que tourner des vidéos c’est génial, mais en fait c’est vraiment douloureux !

MDMAZING : On a une question très importante…

Natasha : Serais-tu sarcastique ?
MDMAZING : Absolument pas, c'est très sérieux. Qu’est-ce qui se cache dans la barbe de Devendra Banhart ?

Natasha : (rires) Probablement trois autres cerveaux. Il a un esprit complètement dingue, sa façon de penser est vraiment inhabituelle. Quand je lui parle, j’aime vraiment les mots qu’il utilise et ses idées. Ou peut-être qu’il cache du sang de licorne, qui sait ?
MDMAZING : On dirait qu’il y a beaucoup de garçons au premier rang de tes concerts, qui disent qu’ils t’aiment et te trouvent magnifique ; est-ce que beaucoup de ces fans viennent te voir après les concerts ?

Natasha : Oh mon dieu… Non pas toujours. Au début, c’était plutôt des filles. Ou des hommes âgés, ce qui était un peu bizarre. En France c’est bien parce qu’il y a des garçons mignons. Quand j’étais adolescente, je n’étais pas vraiment cool ou belle, je n’avais pas des tas de beaux garçons autour de moi, alors maintenant c’est sympa, même si j’ai bientôt trente ans.

MDMAZING : Est-ce qu’un truc drôle ou effrayant t’est déjà arrivé sur ce point-là ?

Natasha : Seulement aux États-Unis. Parfois il y a des garçons gays qui viennent avec beaucoup de paillettes, des tenues incroyables, ils sont là « Vas-y, allez ! », ils m’encouragent. Ils sont à fond dedans, ils sont vraiment cools.

MDMAZING : Quelle est la question à laquelle tu aimerais répondre mais qu’on ne t’a jamais posée ?

Natasha : Je crois qu’on ne m’a pas interrogé assez sur ce que je pensais du fait que je sois une femme forte, indépendante. Ce sont seulement les magazines de mode qui me l’ont demandé. Ils me demandent « Quel serait ton conseil pour les femmes ? » et je dis « De ne pas regarder les magazines de mode » (rires). Ils parlent de maquillage, de minceur, de gros seins, de cheveux blonds… toute cette idée artificielle, unidimensionnelle de la beauté. Ça m’énerve vraiment, c’est tellement mieux d’être différente.

MDMAZING : Quels sont les groupes que tu écoutes secrètement ?

Natasha : Il y en a plein ! Du soft-rock des années 80, vraiment ringard, comme Hall & Oates ou Journey. J’adore aussi Prince et Madonna, j’aime beaucoup de musique pop.

MDMAZING : Quel est le pire groupe du moment ?

Natasha : Celui qui est créé de toutes pièces, qui n’a pas ses propres idées. L’antithèse de la créativité.