Déclaration, Stimulant, Groove, Gospel.

Si je vous dit 'nouvelle interview', vous penserez sûrement qu'il s'agit simplement de notre pitrerie la plus récente, et ma foi, vous vous trompez - du moins pour cette fois. Il nous arrive parfois de rencontrer des gens très intéressants lorsque sérieux, et l'on ne peut que suivre le mouvement, dans ces cas là, et rédiger quelque chose d'un peu plus profond que d'habitude. Maxime au Parc, donc, puisqu'il fallait bien que j'en case une quelque part :






MDMAZING :
Pourquoi avoir choisi Quicken The Heart comme titre de l’album ?

Paul : Ces mots se trouvent dans la première chanson de l’album, Wraithlike. Ça dit “Here's a song that finally you can understand, a minor statement meant to counteract the bland, a list of wraithlike things that quicken the heart” (« Voici une chanson que vous pouvez enfin comprendre, une déclaration mineure ayant pour but de contrebalancer ce qui est fade, une liste de choses spectrales qui font s’accélérer le cœur »). Au fur et à mesure de la chanson, on cherche à répondre à la question « Pourquoi écrire une chanson ? ». Pour moi, la raison, c’est une liste de souvenirs fantomatiques qui font battre mon cœur plus vite. Je pense que si quelque chose fait s’accélérer ton cœur, c’est une bonne raison d’écrire une chanson. La musique de notre groupe a un tempo très rapide, c’est particulièrement le cas pour ce dernier album. Il est très stimulant, on voulait que le cœur de ceux qui l’écoutent batte plus vite. Je crois que ce titre résume bien l’album.

MDMAZING : Comment s’est passée la composition de ce troisième album, qui semble être un effort plus collectif et relâché par rapport aux deux albums précédents ?

Paul : Ce n’est pas évident de définir d’où l’inspiration vient. On écrit tout le temps, on ne se pose pas trois semaines ou trois mois quelque part pour le faire. On écrit constamment, et cela signifie qu’il est difficile pour nous de voir ce qui change. Mais si tu écoutes les trois albums, tu vois l’évolution. C’est vrai que cet album est plus relâché, plus détendu. Quand on écrivait l’année dernière, un mot qui revenait tout le temps était « groove ». Et quand on a enregistré l’album, on a enregistré la batterie et la basse live, alors c’était facile de ressentir le côté groove. Je pense aussi que, quand tu arrives au troisième album, tu te sens libre. Quand on s’est retrouvés en studio, c’était dans un environnement plus relax, parce qu’avec les deux premiers albums on ne savait pas si nous aurions l’occasion de refaire un album un jour. Alors tu balances toutes tes idées dans ces albums, et il y a une sorte de tension. Mais maintenant je vais peut-être faire des albums toute ma vie, du moins je l’espère. (rires) Je ne me sentais pas vraiment libre avant. À cause du milieu duquel on vient, plutôt classe ouvrière, je craignais de devoir retourner à mon ancien job, si ça ne marchait pas. Personnellement, j’ai maintenant l’impression d’être un artiste.

MDMAZING : Vous avez écrit cet album chez vous, à Newcastle ; penses-tu que cela a influencé son écriture et de quelle façon ?

Paul : Je pense que ta ville d’origine, et celle où tu vis, c’est la racine de ta musique. Mais j’ai parfois l’impression que les gens accordent trop d’importance au fait qu’on vienne de Newcastle, une ville du Nord de l’Angleterre très industrielle. Ce n’est qu’une partie de ce qui fait le groupe ce qu’il est. On s’est toujours sentis à part, comme sur une petite île. On n’est pas au-dessus ou en-dessous des autres, mais c’est comme si on existait dans notre petit monde à nous. Mais il y a des choses spécifiques à nos origines qui ressortent dans notre musique ; par exemple, ce soir on a joué By The Monument, qui parle d’un grand monument à Newcastle que tout le monde du coin connaît. Mais dans le même temps, on a une chanson, Roller Disco Dreams, dont l’une des phrases-clés est « Onto fireworks in Brixton », ça parle d’un quartier de Londres. A force de voyager, tu trouves de nouvelles sources d’inspiration. Mais je pense que Newcastle nous permet de nous poser et de respirer.

MDMAZING : Vous affirmez être un groupe pop, mais vous êtes influencés par des artistes tels que Arthur Russell, Mogwai, My Bloody Valentine… Avez-vous déjà essayé de composer des morceaux un peu plus expérimentaux ?

Paul : On a seulement fait trois albums pour l’instant, pour moi ce n’est pas beaucoup, je nous vois déjà en faire plein d’autres. Parfois, on se dit en rigolant qu’on va faire un album de country ou de gospel, parce qu’on aime aussi ce genre de musique. Tous nos disques parlent d’émotions fortes, comme le désir par exemple, et je n’exclue pas la possibilité de faire quelque chose de plus instrumental. Avec des groupes comme Mogwai ou My Bloody Valentine, l’émotion se retrouve simplement dans un son. Je crois que, sur notre nouvel album, si tu écoutes The Kids Are Sick Again par exemple, tu peux entendre cette sorte de son ambiant, en même temps que la chanson en elle-même. C’est une chose nouvelle pour nous. Avant, on laissait les chansons parler d’elle-même, mais sur Quicken The Heart on a essayé d’utiliser de nouveaux sons, provenant de la musique que nous aimons. Nos chansons parlent des relations avec le monde, avec les autres, et on essaie de décrire les sentiments que l’on ressent dans ces relations. Et je crois que c’est une chose qui restera constante chez nous, il y aura toujours cet aspect émotionnel fort.

MDMAZING : Votre musique est très présente dans les jeux vidéos, est-ce une volonté du groupe ? Du label ?

Paul : En grandissant, je voulais toujours acheter les disques, les avoir dans mes mains, j’aimais l’emballage, lire les paroles, mais ce sont des choses que les gens ne font plus de nos jours. Je veux vraiment que tout le monde ait l’occasion d’entendre notre musique, alors quand des gens viennent nous voir en nous demandant si on aimerait être dans un jeu vidéo, je dis oui, parce que c’est peut-être la seule chance qu’aura une jeune personne de nous entendre.

MDMAZING : Vous tournez très régulièrement en France, une de vos chanson s’appelle Parisian Skies : vous avez une relation particulière avec ce pays ?

Paul : Oui, j’aime vraiment être ici. J’aime la culture française, spécialement le cinéma français. En grandissant, j’ai découvert cette culture, à travers la nouvelle vague de réalisateurs français des années soixante, mais aussi à travers des choses plus récentes comme les films de Bruno Dumont ou d’Arnaud Desplechin. Je ressens une connection avec la culture française et j’ai l’impression que la musique que nous faisons est elle aussi une célébration de la vie de tous les jours.