Péripéties, Danseuse, Décalquée, Poumons.

Comme tu le sais, jeune ami lecteur, j'ai déménagé il y a quelque mois dans cette grande ville pleine d'aventures qu'est Londres, et compte bien te faire profiter de mes péripéties.
Commençons donc avec le tournage du nouveau clip des Big Pink, ou comment je suis allée, rien que pour vous, me mettre dans la peau d'une danseuse professionelle afin de découvrir les dessous des clips tournant en boucle sur nos écrans. Pour information, ma seule expérience dans le milieu est la danse classique, de neuf à douze ans.
Précision : nous n'avions absolument pas le droit de prendre des photos, exclu Dazed & Confused oblige, donc je vais devoir faire appel à...oui, enfin vous verrez.
Allez hop, c'est parti :



Début octobre, je reçois un mail m'annonçant fièrement que suite au casting quelques semaines plus tôt, j'ai été prise comme 'extra' dans le nouveau clip des Big Pink, rendez vous au studio dans trois jours, sept heures trente. Je ne sais pas encore grand chose sur le thème de la vidéo : j'avais juste vu une annonce sur Facebook, invitant toute fille mesurant entre 1m60 et 1m70 avec les cheveux foncés et plus ou moins fine à se présenter à une audition, et avais appris sur place que le concept serait centré autour du fonctionnement d'un zoetrope et que nous, les douze extras, ne serions que des silhouettes hantant l'histoire principale. J'avais franchement hâte d'en apprendre plus.

Arrivée très tôt, donc, et très fatiguée - insomnie oblige - mais néanmoins heureuse de voir que l'on nous attendait avec un gargantuesque petit déjeuner anglais. Rien ne se passe jusqu'aux alentours de onze heures, et je sympathise avec Vicky, une fille ayant l'air aussi décalquée que moi ; elle n'est pas danseuse de profession, en fait elle fait des sandwichs à mi temps, et si elle est là c'est parce qu'elle aime les Big Pink : comme moi, donc. Ben, le producteur, finit quand même par venir nous voir à la cantine, et lance négligemment un '...et je suppose que vous êtes toutes danseuses professionelles ?' : les dix autres filles hochent la tête avec conviction, et je commence à me sentir mal. On en apprend un peu plus sur le concept : nous serons dans une salle de tournage ronde, au milieu une caméra tournera sans cesse, et l'on sera chacune face à un drap sur lequel on projettera de la lumière. On aura deux costumes différents, et deux fonctions : danser directement face à la caméra, ou prendre des poses figées pendant que la caméra tourne, afin de donner l'impression d'un mouvement saccadé mais continu. Pas clair ? Je m'en doutais, donc j'ai fait des dessins : (cliquez pour tout voir, et ne jugez pas)



On file ensuite voir la costumière, et deuxième surprise de la journée : notre premier costume n'en ai pas vraiment un - qui a dit petit budget ? - mais des pans de tissu type lin noués autour de nos corps par d'énormes cordes. Je passe en dernière, et angoisse un peu en voyant défiler mes compatriotes plus nues qu'habillées, ressemblant un peu à un croisement entre ça et ça. Chouette. Mon tour vient enfin, et j'ai le droit de récuperer toutes les chutes restantes, ce qui me donne un air de shaman/sorcière -" plutôt inconfortable", pense je : "haha, tu n'as encore rien vu", me répond le destin. Et de fait : nos visages doivent être cachés, et oh non, on a complètement oublié de commander des capuches, comment va-t-on faire, oh mais bien sûr ! des pieds de collants ! hein ? comment ça, vous ne pouvez ni respirer ni ouvrir les yeux avec ? on ne vous paye pas pour vous amuser, à ce que je sache ! ah oui, c'est vrai, on ne vous paie pas...oh vous verrez, ça ne durera pas longtemps. Premier mensonge de la journée.

Pour le tournage de la première scène, nous devons danser en rond, avancer d'avant en arrière en levant et baissant les bras : je me réjouis assez de la simplicité de la tâche, mais déchante rapidement en me rendant compte que la prise dure quatre minutes, et qu'elle sera tournée au moins trois fois. Je prend soin de ramasser mes poumons en sortant du studio, et commence à douter du bien fondé de ma présence dans ces lieux. Et Dieu sait que ce n'était que le début...

RENDEZ VOUS LA SEMAINE PROCHAINE POUR LE PROCHAIN EPISODE !