Cheveux, Assassines, Side Project, Italiennes.



J'aurais pu commencer cette chronique de mille façons différentes, mais elles sonnaient toutes fausses, même si parfois bien tournées, ou presque amusantes ; en fait, cela fait plusieurs semaines que j'essaie de l'écrire, cet article, et rien ne sort, ou tout d'un coup, et je pourrais peut être m'en arracher les cheveux, ou décider de laisser cet album de côté, mais cela serait un peu trop facile.

C'est assez simple de détruire une poignée de chansons en une dizaine de lignes assassines, car l'on sait bien souvent pourquoi on n'a pas aimé, et pourquoi l'on est persuadé qu'éloigner cette production de toute oreille humaine fait partie de notre devoir.
Voila pourquoi j'aurais adoré détester l'album de Little Joy, et le démolir en deux temps trois mouvements, et surtout sans aucun états d'âme, sauf que c'est impossible : le side project de Fab Moretti, que je n'ai, il me semble, pas besoin de vous présenter, est un bijou, une merveille étonnante de simplicité.

De fait, les compositions du trio n'ont pas pour prétention de réinventer la musique actuelle, créer un nouveau genre, ou même s'inscrire dans la lignée d'un mouvement quelconque : ces onze chansons ne sont qu'un coin de soleil enchanteur, coincées entre déprimes d'hiver et nostalgies d'été. Elles sont légères comme ces robes que les filles italiennes aux cheveux légèrement ondulés portent dans les films, et semblent hésiter entre de doux regrets (With Strangers, Don't Watch Me Dancing) et des espoirs de futurs brillants (Brand New Start, How To Hang A Warhol), mais toujours est il que de ces compositions se dégage quelque chose d'envoutant, nous poussant à remettre l'album, avant même que résonnent les dernières notes d'Evaporar, mélancolique ballade chantée en portugais (!)
Un album vraiment à part, donc, qui en ces froides soirées de décembre, sonne comme la bande son d'un été passé à jouer de la guitare autour d'un feu, sur une plage déserte ; on s'imagine aisément face à Binki Shapiro, pieds dans le sable, à faire les choeurs sur Unattainable, ou Shoulder To Shoulder . Il y a ce sentiment d'intimité, cette impression que l'on a fait partie de l'aventure et que l'on en écoute maintenant le récit, fredonné par ces anciens amis que l'on a un peu perdu de vue, faisant resurgir du passé une époque volatile mais regrettée.

Voici le résultat de l'émancipation du batteur des inattaquables Strokes ; un univers musical très éloigné de l'ambiance électrique du quintet New Yorkais, et l'on ne s'en plaint pas ; c'est avec regret que je verrai le batteur rejoindre sa formation originale, prenant néanmoins garde à ne pas oublier cette charmante escapade, témoin d'un songwriting étonnant, et d'un indéniable talent - contrairement à son acolyte Albert Hammond Jr, cohérent dans la bande à Casablancas, mais bien peu convaincant en solo. Une bonne surprise, donc, mais aussi, et surtout, l'un des albums les plus réjouissants de l'année.